Marechalerie

L'adaptation naturelle du sabot à la conformation du cheval

Introduction:

Le sujet du parage et de la ferrure du pied, son équilibre et son équilibrage, est depuis toujours très discuté dans le cadre de la podologie équine. En particulier on trouve une quantité de publications, de présentations et de théories qui ont comme mots clé “l'équilibre” (balance) et “naturel”. Termes qui risquent d'être banalisés par un usage trop peu défini. Particulièrement le dernier est un mot difficile à appliquer en maréchalerie. Il y a très peu de “naturel” dans le pied du cheval domestique. Même les chevaux à l'état sauvage sont toujours des descendants des chevaux domestiqués par l'homme et ont subi dans le passé une sélection génétique par les éleveurs; ce qui les rend moins valables comme modèle universel à étudier. Il y a par exemple d'énormes différences génétiques et par conséquent des différences de formes et d'usure des sabots entre des Mustangs américains (petits-fils des chevaux espagnols des conquistadors), les Feral* horses australiens (petits-fils des chevaux anglais) et les Criollos argentins.

Fig 1
Fig. I: 
Essayez de faire un concours hippique avec ce sujet en pyjama! A l'exception des zébres, il y a pas de chevaux non domestiqués (et par conséquence non influencés par la sélection génétique de l'homme) sauf, peut-être, le Prezvalsky

Note: feral*; en Anglais signifie animal domestique de retour à l'état sauvage.

La forme, les dimensions, la consistance et la symétrie des sabots est déterminée en grande partie par la génétique mais aussi par les facteurs externes tels que: nutrition, terrain, litière, utilisation, soins (voir maréchalerie) etc.
Pour le cheval individuel, il y a en outre une interaction entre les facteurs génétiques et le milieu, qui est très marquée pendant la croissance et qui amène à la conformation individuelle.

Un exemple est donné par la capacité génétique à une croissance rapide d'une race frugale comme le pur-sang Arabe avec une alimentation trop riche de la poulinière et du poulain. La combinaison de ces deux facteurs, le premier étant génétique, le deuxième étant le milieu, provoque souvent des sursauts de croissance vers le 2 - 4 mois d'âge, avec une haute incidence de contracture du fléchisseur profond (pied bot) d'un membre antérieur par rapport au controlatéral. Ce phénomène est souvent dû à l'attitude du poulain au pré; avec une de ses jambes (trop longues) placée en avant et l'autre en arrière pour mieux arriver au sol avec son encolure.

Fig 2
Fig. 2
Cette attitude du jeune poulain au pré peut provoquer une différence entre les sabots antérieurs

Si l'on n'agit pas avec des mesures correctives pendant cette fenêtre d'opportunité très courte, donnée par la période de croissance rapide (0 - 8 mois), on se trouvera avec un adulte qui aura une conformation particulière avec un pied droit et vertical et l'autre plat et écrasé en talons.

A l' âge adulte, cette conformation sera le principal déterminant de la forme et de la symétrie du sabot.

La conformation et la symétrie des sabots:

Fig 3
Fig 3: 
Plan sagittal, Frontal et Horizontal.

Les sabots, les pieds, les membres et le cheval en entier ont, comme tous les objects tridimensionnels, trois plans dans lesquels on peut les observer: sagittal, frontal et horizontal ; c'est-à-dire une coupe dans le sens antéro-postérieur (dorso-palmaire ou plantaire pour le pied), de côté à côté (latéro-médial) ou parallèlement au terrain (horizontal)

a). Plan sagittal:

On l'observe plus facilement de côté et on peut juger la longueur relative de pince, des talons, la position du pied relative au cheval, les angles que forment les différents axes squelettiques entre-eux au niveau des articulations etc.

La conformation individuelle, c'est-à-dire l'angle de l'épaule, du paturon et du jarret; la longueur relative des différents segments osseux et les structures musculo-tendineuses influencent la forme du sabot dans le plan sagittal.

La déformation la plus fréquemment observée est le syndrome pince longue-talons fuyants.

Fig 4
Fig. 4:
Pince longue - talons fuyants
Ceci est en partie inhérent à la ferrure traditionnelle, vu que le centre d'appui donné par le fer est destiné à se déplacer en avant pendant la période entre deux ferrures et que l'angle de la pince va diminuer par l' usure des talons sur la surface supérieure du fer.
Fig 5
Fig. 5: 
Schéma de la croissance - usure entre deux ferrures
A ce propos, c'est souvent utile de maintenir le centre géométrique du fer bien placé, sous l'articulation interphalangienne distale (généralement en reculant le fer par rapport à la boite cornée et en raccourcissant les intervalles entre les ferrures.
Fig 6
Fig. 6:
Centre géométrique de différentes ferrures et centre articulaire
interphalangien distal.

b. Plan frontal et horizontal:

Vu de face ou de haut on peut observer et juger la conformation d'un membre en ce qui concerne les éventuelles déviations angulaires et rotationelles (D.A. - D.R.)

Fig 7
Fig. 7: 
La vue du haut permet de juger autant les D.A. que les D.R. ici: carpus valgus, boulet varus et rotation interne du doigt

C'est surtout avec les défauts de conformation dans ces deux plans-là que l'on va trouver des sabots asymétriques, loin de la forme idéalisée et régulière du “beau pied”.

Il doit être noté qu'il y a des déviations angulaires et rotationelles possibles entre les différents segments osseux et pas nécessairement du membre en entier; un seul membre peut être affecté de plusieurs D.A. et / ou D.R.. La forme des sabots d'un sujet avec des D.A. et / ou D.R. s'adapte d'une façon relativement prévoyante: Une D.A.pure (défaut dans le plan frontal) portera à une relative atrophie d'une moitié du sabot (latéral ou médial); une D.R. pure amène à une relative atrophie diagonale du sabot (d'un quartier - talon et de la mamelle opposée du même pied).

Une analyse de la relation entre la conformation du membre et de la forme (morphologique) particulière du sabot permet généralement de trouver des “raisons” et des avantages fonctionnels pour la locomotion et la santé (surtout articulaire) d'un sujet avec des défauts de conformation.

Un sabot plus développé dans ses parties latérales, par exemple, permet au moment de l'appui, de maintenir parallèles entre elles les surfaces articulaires interfalangiennes d'un membre affecte d'une déviation latérale.

Fig 8
Fig. 8: 
Un protocole radiologique permet de mesurer les espaces articulaires.
Un sabot atrophié au niveau du talon médial et de la mamelle latérale, pour donner un autre exemple, diminue les contraintes articulaires excessives, surtout au moment de l'appui initial et du départ final du pied, en cas de rotation interne (cagneux) du membre distal.
Fig 9
Fig. 9:
Schéma de l'adaptation de la forme du pied à une rotation interne ou externe.

Déformation de la boite cornée:

Comme pour le syndrome pince longue - talons bas / fuyants où il y a une vraie déformation de la boite cornée (et pas une adaptation morphofonctionnelle) on peut aisément trouver des déformations du sabots en cas de D.A. et / ou D.R., surtout quand les périodes entre les visites du maréchal se prolongent trop. Les éléments qui facilitent la distinction entre l'adaptation utile de la forme du sabot et la déformation sont surtout le cours des tubules cornées et la distance entre la ligne blanche et la marge extérieure de la paroi (vue solaire).

Les tubules cornées devraient avoir un cours linéaire de la couronne jusqu'au bord distal de la paroi et ne devraient pas être déformées; une paroi concave indique une vraie déformation que l'on peut corriger en rapant la partie distale de la paroi évasée.

Fig 10
Fig. 10:
Correction de la paroi évasée.

En cas de déformation c'est surtout le contour de la ligne blanche qui indique la “vraie” forme de la boite cornée.

Le tracé du tubule corné central (parfaitement en pince) peut-être utile pour le parage latéro-médial en effectuant ce parage orthogonal (à 90°) avec le tubule en question utilisant un compas de pied Finegan.

Fig 11
Fig. 11: 
Utilisation du compas de pied Finegan

Conclusion:

Quand on se trouve avec un pied asymétrique et hors normes entre nos mains, il faudrait prendre le temps de le reposer par terre pour analyser la conformation du membre auquel il est attaché.

Dans le parage et la ferrure il faut se méfier de la tendance à obtenir des beaux pieds symétriques dans toutes leurs parties, qui peut-être sont plus beaux à voir avec le cheval à l'arrêt, mais qui risquent de ne pas répondre aux besoins biomécaniques des articulations distales d'un sujet avec d'importantes D.A. et / ou D.R..

En fait ce n'est rien de nouveau, puisque un des plus anciens conseils de la maréchalerie est d'adapter le fer au pied et pas le pied au fer, pied qui est déjà adapté à la conformation du cheval.

Si l'on veut corriger des défauts de conformations, il faut le faire pendant la croissance du jeune poulain, mais pas chez le cheval adulte.

Fig 12
Fig 13
Fig. 12 - Fig. 13:
Poulain avec D.A. Avant et après correction.

Hans Castelijns D.V.M. - Certified Farrier