Soins aux pieds des poulains : Favoriser une conformation correcte pour le futur cheval athlète |
Résumé
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L'investissement en temps et en argent que représente un poulain justifie un suivi orthopédique régulier afin d'optimiser ses chances de devenir un adulte sain et performant.
L'entretien régulier des pieds dès le plus jeune âge permet de suivre de près les problèmes de développement dès les stades les plus précoces, lorsque les traitements sont les plus efficaces , mais assure également une éducation du jeune à la manipulation par le maréchal-ferrant. Le programme de suivi devrait commencer par une observation dès la naissance et se poursuivre par un parage régulier, au moins toutes les quatre semaines. Le sillon subcoronaire, qui est présent après/dès la naissance, nécessite une attention spéciale lorsqu'il approche le bord distal du sabot à l'âge de 2-3 mois. L'évaluation de la conformation chez le poulain doit être rigoureuse et un poulain ouvert ou panard sera considéré comme normal dans la plupart des cas et ne devra par conséquent pas être corrigé. Inversement, la correction s'avère nécessaire en cas d'hyperlaxité, contraction des fléchisseurs ou de déviations angulaires. Ces dernières pourront justifier une combinaison de techniques en maréchalerie et en chirurgie. La correction des aplombs chez le jeune poulain pourra être réalisée par le parage,la pose de fers collés, des extensions avec de l'acrylique ou une combinaison de ces derniers avec des plaques en aluminium. L'usure excessive, les seimes, les défauts de la paroi, les affections de la ligne blanche ainsi que les abcès de sole devront également être traités.
Conserver une trace écrite et/ou photographique de l'évolution des aplombs d'un poulain en traitement permet d'évaluer les effets de la correction voire de détecter une origine génétique de certains défauts, et est en général apprécié par l'éleveur. |
Introduction
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Le poulain nouveau-né représente en général un investissement personnel et économique conséquent et il apparaît cohérent de favoriser l'ensemble des facteurs environnementaux qui contribuent à un développement harmonieux du foal afin qu'il puisse exprimer au mieux son potentiel génétique à l'âge adulte. Le suivi régulier par un maréchal, et au sens large les soins aux pieds sont dans aucun doute d'une importance capitale dans la prévention et la correction des défauts de conformation des membres. |
Entretien régulier
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Il y a deux raisons pratiques qui justifient le suivi en maréchalerie et en orthopédie des foals :
1) le fait d'évaluer régulièrement les aplombs du poulain au cours de sa croissance permet d'intervenir sans délai au moment ou un développement indésirable se met en place et lorsque les traitements conservatifs ont les meilleurs chances de succès.
2) les chevaux éduqués et justifiant d'un suivi orthopédique ont une meilleure valeur marchande. Idéalement, l'évaluation initiale du poulain doit avoir lieu rapidement après sa naissance afin de pouvoir exclure ou traiter les défauts congénitaux, avec des visites régulières ensuite. L'objectif devrait être le suivi de la conformation des membres, et non exclusivement un simple parage des pieds. Il est rapporté qu'un passage hebdomadaire du maréchal pour des poulains pur-sang et trotteurs au cours de leurs 6 premiers mois de vie, alors qu'ils réalisent 50 % de leur croissance en taille, est extrêmement efficace et rentable. Après cette phase de croissance critique, les visites peuvent être progressivement espacées.
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Caractéristiques spécifiques des foals
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A la naissance, les pieds du poulains sont enveloppés dans la membrane périoplique, ce qui réduit le risque de blesser la filière pelvienne de la jument lors de la mise-bas. Lors des premiers pas, la membrane périoplique sur la surface de la sole s'use et se rétracte proximalement sur la paroi du pied où, en séchant, elle tend à créer un sillon d'une profondeur variable sous la bande coronaire. Cette dépression, qui doit être considérée comme normale, peut néanmoins présenter une usure irrégulière de sa surface quand elle se trouve au contact du sol, du fait de la pousse du pied, vers l'âge de trois mois.
Au cours de sa croissance, le modèle du foal évolue en permanence/constamment, empêchant l'évaluation de sa conformation de la même manière que celle d'un adulte. Chez les races précoces dolicomorphes par exemple, une poitrine étroite associée à des membres relativement longs provoque la tendance des poulains à adopter une position légèrement ouvert du devant (en général associée à une rotation du membre entier vers l'extérieur). Un poulain de 3-4 mois ouvert du devant présente naturellement de légères asymétries dans les capsules du pied dans le plan frontal (latéro-médial) avec le côté médial de la capsule de chaque membre légèrement plus bas que le côté latéral. Si ces aplombs ne sont pas reconnus comme physiologiques de cet âge et type de poulains et que des manipulations de «correction» sont réalisées en rabaissant les parois du côté latéral ou en réalisant des extensions du côté médial, il y a un risque de générer une déviation angulaire (par exemple un varus du boulet) qui n'existait pas auparavant.
L'objectif du traitement orthopédique devrait être la prévention ou la correction de réelles déviations angulaires et rotations des membres en maintenant ou rétablissant l'alignement des différents segments osseux. Une observation efficace permettant d'évaluer cet alignement est obtenue en regardant le membre entier du dessus en adoptant une position proche du sujet.
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Hyperlaxité des fléchisseurs
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L'hyperlaxité tendineuse des fléchisseurs est habituellement un défaut qui affecte les deux membres postérieurs du poulain nouveau-né. Elle est souvent décrite comme un défaut qui se corrige de lui-même en quelques jours d'exercice modéré et sans traitement particulier.
Néanmoins, par expérience, il n'est pas rare d'observer des poulains de 4-6 semaines qui lèvent toujours la pince (the toe off the ground) au lever du membre. Les conséquences possibles de l'hyperextension de l'articulation interphalangienne distale qui accompagne l'hyperlaxité des fléchisseurs incluent : i) inflammation du ligament suspenseur ii)instabilité de l'épiphyse du métatarse distal III, iii)remodelage du cartilage articulaire distal du métatarse III dans la zone de contact avec les sésamoïdes proximaux, iv) et la première phalange, v)remodelage et fragmentation ostéochondrale des surfaces articulaires dorsales de l'articulation métatarso-phalangienne vi)remodelage et fragmentation parcellaire (chips) des surfaces articulaires dorsales de la troisième phalange (P 3) vii) écrasement et usure excessive en talon avec ulcération des glômes viii) inflammation du ligament plantaire et bride.
Une extension plantaire, de 3-4 cm environ derrière les glômes, soulage immédiatement l'instabilité biomécanique. Pour appliquer l'extension, il peut être utile de travailler sur un foal en décibitus sur une fine épaisseur de litière afin d'éviter aux extensions de supporter le poids du poulain le temps que la colle ou la résine ait suffisamment séché pour permettre une bonne adhérence aux pieds. Il est important d'assurer un alignement correct de l'extension avec le pied. Chez le poulain nouveau-né ou âgé de quelques jours, il n'est pas nécessaire de réaliser une sédation si une aide qualifiée est disponible ; la présence de sa mère, tenue par un assistant, tranquillise le foal.
Chez le poulain âgé de quelques jours, le port d'extensions (type « chausson ») ne doit pas excéder 10-12 jours afin de limiter la constriction du sabot par la chaussure. Une alternative peut être de petites plaques d'extension en aluminium dont les clips peuvent être appliqués sur le pied à l'aide de résines métacrylates.
L'exercice modéré sur des surfaces fermes et une épaisseur minimale de litière doivent être recommandés.
La récidive est rare et habituellement vue chez les poulains dont les extensions ont été appliquées tardivement (après 3-4 semaines).
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Les contractures des fléchisseurs
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Les contractures des fléchisseurs peuvent impliquer le tendon fléchisseur profond du doigt et muscle, le tendon et muscle fléchisseurs superficiels du doigt ou les deux.
Elles peuvent être congénitales (ie dues à une mauvaise position intra-utérine) ou acquises (par exemple liées à une ration excessive en énergie et protéines), bilatérales, principalement sur les antérieurs, mono latérales (comme dans les « grass foot »,(pied d'herbe) voir plus loin) ou plus rarement atteindre les quatre membres.
Le fléchisseur profond du doigt est relié à P 3 par la crête semilunaire, P 3 étant attachée à la boite cornée, les extensions dorsales sont indiquées pour le traitement des contractures des fléchisseurs digités profonds (tendon et muscle). Un cercle vicieux douleur-contracture-douleur-contraction semble jouer un rôle central dans les contractures des fléchisseurs et le simple fait de baisser les talons peut causer une aggravation de la douleur dans les cas les plus graves. Les Dallmer ® (club foot) glue-on-shoes sont équipés de talonnettes à visser, qui peuvent être ensuite progressivement râpés après avoir initialement relevé les talons. L'empreinte que laissent les talons dans le sol peut être utilisée comme un critère pour réduire la hauteur des talonnettes jusqu’à ce qu'elles soient complètement enlevées, l'axe des phalanges pouvant être ensuite aligné en utilisant le modèle BK de Dallmer ® légèrement compensé en pince. Le système « cuff glue-on » de Ibex ® présente également des talonnettes qui peuvent être collées sous le fer.
L'application des chaussures type glue-on shoes avec des talonnettes se réalise de préférence sur poulain sédaté debout, la partie dorsale de la paroi du pied étant pressée en contact étroit avec le rebord du manchon par l'action de la talonnette. Prendre garde à ce qu'il n'y ait pas de rotation du membre tant que la glu est encore fluide car cela risque d'être la cause d'un défaut d 'alignement entre les axes sagittaux du fer et du pied. Les sols synthétiques sont à éviter car il y a un risque de coller le poulain au sol !
Pour un pronostic favorable, il est important d'agir précocement, dès les premiers signes de contracture, combinant les extensions dorsales, un traitement médical approprié (par ex. analgésiques, tétracyclines) et une réduction des apports alimentaires.
Le syndrome appelé «grass foot» (pied de pâturage) est le développement d'un sabot étroit et vertical sur l'un des membres antérieurs avec le sabot controlatéral plat et avec peu de talon. Il est souvent du à la position
qu'adoptent certains poulains à encolure courte et longs membres placés au pâturage, un pied étant placé en avant (surchargeant les talons), l'autre sous le corps du poulain (chargeant la pince). Typiquement, cela peut être observé aux alentours de 3-4 mois, pendant les poussées de croissance.
Les unités musculo-tendineuses, incluant les ligaments nucaux, s'adaptent rapidement à cette position ce qui rend parfois difficile le rétablissement d'un alignement phalangial correct par des moyens conservateurs (parage des talons, extensions dorsales, fers demi-lune. Les cas réfractaires peuvent être reconnus par le développement d'une paroi concave avec des anneaux de croissance très divergents en talon et sont candidats à une desmotomie de la bride carpienne , à effectuer de préférence avant que la capsule et les surfaces articulaires de l'articulation inter-phalangienne distale soient affectées. La desmotomie devrait être associée à des extensions dorsales plutôt larges, qui n'aident pas seulement à réaligner les phalanges mais qui permettent aussi aux extrémités réséquées de la bride carpienne de rester distanciées.
Pour le traitement des contractures du fléchisseur superficiel du doigt, qui provoque un redressement du paturon avec une flexion de l'articulation du boulet, les fers collés peuvent être utiles pour ancrer une attelle qui, bandée autour du membre, vise placer l'articulation du boulet en extension. Ce type de contracture s'observe le plus souvent entre 8 et 14 mois et sont d'un pronostic plus sombre que les contractures du fléchisseur profond. L'élévation du talon, qui favorise l'extension du boulet et la desmotomie de la bride radiale peut potentiellement apporter une amélioration.
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Les déviations angulaires
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Les déviations angulaires, congénitales comme acquises, sont fréquentes chez le foal, avec une incidence plus importante au niveau du carpe. Elles sont définies comme valgus lorsqu'il y a une déviation latérale du membre sous le point d'origine, et comme varus lorsque la déviation du segment distal est médiale. Lorsque l'angle entre le radius et le métacarpe est < 180° sur le côté latéral (concave), le carpe est défini comme valgus, il est nommé varus quand l'angle est >180° sur le côté latéral (convexe).
Ainsi qu'il a été évoqué précédemment, il est important de faire la distinction entre les déviations angulaires et les rotations (cheval ouvert du devant, panard) des membres. Pour ces derniers, il n'y a pas de défaut d'alignement entre les segments osseux à l'intérieur du membre. Cette position et conformation transitionnelle peut être considérée comme normale chez les foals et même les yearlings, avec une tendance à évoluer naturellement au fur et à mesure de la croissance et de l'augmentation de la circonférence de la cage thoracique. L'évaluation clinique des déviations angulaires et de leur point d'origine sont facilitées par l'observation du membre en vue plongeante, en se tenant près du sujet examiné.
Une évaluation objective du degré de déviation angulaire et du site d'origine requiert un examen radiographique, qui est aussi utile pour établir ou exclure une ossification incomplète des os carpiens ou tarsiens, ou encore des fractures de type Salter-Harris, causes de déviations angulaires.
La chronologie de l'activité des plaques de croissance (PC) et de la fermeture des différents segments osseux, particulièrement de la PC distale du radius (22-24 mois), de la PC distale du métacarpe-tarse III (6-18 mois) et de la PC proximale de la première phalange (6-15 mois) est importante dans l'approche thérapeutique, sachant notamment que les périodes effectives d'activité importante de croissance rapide sont encore plus limitées. Mc Ilwraith considère que la période optimale de correction des déviations angulaires est au cours des 3 premiers mois pour les déviations du boulet (PC distale du métacarpe-tarse III, PC proximale du la première phalange) et au cours des 6 premiers mois pour les déviations du carpe/tarse (PC distale du radius/tibia). Dans ce dernier cas, la période d'action n'est pas seulement limitée par la fermeture des plaques de croissance, qui, de fait est plus tardive, mais également par le risque d'apparition de lésions articulaires lorsque la masse corporelle du poulain augmente.
Une extension latérale ou médiale appliquée au pied à un très jeune âge (lorsqu'elle est la plus efficace), agit non seulement sur la PC proximale mais également sur les PC distales. Par exemple, l'application d'une extension médiale à deux mois pour la correction d'un valgus du carpe peut causer un varus du boulet. Il est par conséquent recommandé de combiner maréchalerie et chirurgie telle qu'un stripping (grattage) du périoste sur la PC appropriée lorsqu'on a affaire à une déviation angulaire proximale sévère (PC distale du radius/tibia).
Des extensions latérales et médiales peuvent être obtenues en utilisant les fers collés Dallmer®, Mustad® ou Ibex® ou avec des plaques d'aluminium fixées au pied avec des methacrylates, car les parois du foal sont souvent trop fines pour supporter le brochage sans risque. Idéalement, l'extension devrait atteindre les côtés jusqu'à la projection verticale du côté convexe de l'articulation déviée. Avec une extension large, il est recommandé d'appliquer une pente en acrylique sur le pied du poulain afin de limiter le risque que la jument ou le poulain l'arrache en marchant accidentellement dessus.
Les extensions collées sont très polyvalentes et peuvent également être utilisées dans la correction des rotations en coupant la plaque de façon appropriée (extension du quartier du pied sous-développé) ou en pivotant légèrement le fer collé lors de sa mise en place sur le pied.
Comme les chaussures collées ne doivent pas être laissées en place plus de 15-20 jours, en fonction de l'âge du foal (du fait du risque de constriction lié à la croissance rapide du pied), les déviations angulaires sévères peuvent nécessiter l'application répété d'extensions (et plus d'un grattage périostique). Il importe de vérifier chaque fois qu'aucune déviation ou rotation compensatoire n’apparaît en position distale par rapport à la déviation initiale.
Les extensions collées, lorsqu'elles sont utilisées de manière appropriée, donnent d'excellent résultats, tant d'un point de vue esthétique que fonctionnel.
Le traitement des déviations angulaires inclut la limitation de l'exercice pour éviter la compression excessive et les chocs sur les plaques de croissance et articulations asymétriques (confinement au box ou dans un petit paddock).
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Enregistrement des observations
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Le fait de conserver notes et images de la conformation des foals est utile pour la visite suivante au haras, permettant une évaluation plus objective des changements, positifs ou négatifs. Les enregistrements sur plusieurs années peuvent parfois apporter des informations intéressantes sur la valeur reproductrice d'un étalon ou d'une jument en particulier. Un programme de recherche est en cours pour établir des protocoles objectifs, écrits et photographiques, de l'évaluation de la conformation des foals. |
Conclusion
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Les fers collés pour les foals ont prouvé leur importante utilité dans le traitement des fléchisseurs et des déviations angulaires, et des résultats similaires peuvent aussi être obtenus avec des plaques en aluminium fixées à l'acrylique.
Comme toutes les méthodes correctives, leur utilisation appropriée dépend d'une évaluation clinique soigneuse et de la prise en compte de la physiologie et la chronologie du développement du foal dans la mise en œuvre, nécessitant par conséquent une concertation étroite entre le vétérinaire, le maréchal et l'éleveur.
La correction des défauts de conformation du foal nécessite un investissement important en temps, matériel et travail, amplement justifié par les résultats obtenus et le capital potentiel que représentent beaucoup de poulains. Mc Kinnon mentionne un taux d'efficacité de l’élevage pur-sang au Royaume-Uni (poulains qui atteignent un hippodrome/juments mises à la saillie 3 ans auparavant) de seulement 14 %. En d'autres mots, la récupération fonctionnelle d'un seul poulain dans un élevage de 100 juments accroît la productivité de 7 % !
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